Jamais l’immobilier de bureaux n’aura été plus intimement lié à la volonté politique.
Au moment où les chiffres sont au plus bas depuis 2013 (baisse de la demande placée de bureaux en Ile-de-France de 22% au premier semestre 2023 et hausse de 10% de l’offre), la désaffection des investisseurs est notable en observant la baisse de l’investissement en immobilier d’entreprise de 51% par rapport au 1er semestre 2022.
Ce résultat est dû à plusieurs circonstances que nous allons observer à la loupe.
Il peut faire peur, mais il faut le nuancer : ce sont tout de même 6.2 milliards d’euros engagés pour le seul premier trimestre 2023 en France entière, bien plus que sur toute l’année de la crise de 2008.
La situation correspond plus à un ralentissement qu’à un effondrement. Dont certains profiteront assurément.
Que nous réserve la fin de l’année 2023 dans le secteur de l’immobilier de bureaux ? 🔮
La situation de l’immobilier de bureaux en 2023

En 2023 nous sommes toujours dans la gestion de l’après-covid. Et cette question affecte négativement le marché des bureaux alors qu’elle affecte positivement le marché des commerces. C’est dû au repricing (valorisation qui repart à la hausse maintenant). Il a eu lieu plus rapidement sur ce segment d’actifs, attirant les investisseurs français et étrangers. Pendant que les bureaux, en pleine mutation, ébauchent non sans effort leur nouveau modèle de développement.
Le télétravail et les modes de travail hybrides
On le sait depuis 2 ans, non seulement le télétravail s’est imposé comme un critère d’aide à l’embauche, mais il s’impose aussi comme nouvelle source de rentabilité pour les sociétés.
Rentabilité puisqu’il permet de réallouer des surfaces inoccupées à d’autres activités comme l’hoteling ou la location événementielle. C’est d’ailleurs la solution principalement choisie par le propriétaire occupant.
Quant au locataire, on rapporte des prises à bail de surfaces plus petites.
Les chiffres de Knight Frank le corroborent : sur le territoire francilien, le marché locatif des surfaces supérieures à 5000 m² n’est plus aussi dynamique. C’est encore plus visible sur le segment des très grandes surfaces (> à 40 000m²) avec un volume de transactions locatives en chute de 13%.
L’hybridation du travail apparaît comme un facteur clé de variabilité du marché, actuellement en recul.
Les effets de l'inflation cumulés aux effets de la crise sanitaire
L’inflation qui, aux dires de certains, était prévisible vu les taux excessivement bas appliqués depuis des années, s’est accentuée avec la guerre en Ukraine.
De plus, ce que l’on peut attribuer à la guerre mais tout autant à la crise covid, c’est la difficulté à s’approvisionner en matériaux qui ajoute du mal au mal : hausse des prix + raréfaction des matières premières = marché en berne.
Cela pèse sur la réhabilitation du parc de bureaux et l’agenda 2030. Cela compte aussi pour les détenteurs de portefeuilles value-added.
Les taux d'intérêt haussiers et la dépendance aux décisions de la BCE
Le remède à l’inflation est aussi celui qui ralentit les investissements. Autrement dit, tous les emprunts et financements de projets à taux variables ont pris du plomb dans l’aile.
C’est pourquoi pour le dernier trimestre 2023, la fiscalité immobilière doit s’adapter pour maintenir les grands projets de rénovation.
La parade, c’est ce que proposent les États généraux de la transformation des Tours du quartier de la Défense.
Le dispositif consisterait à rendre applicable « l’engagement de construire »à l’immeuble de bureau.
L’avantage fiscal réside dans le coût forfaitaire et non plus proportionnel, des frais de mutation. Il faudrait, pour que cela fonctionne à plein, assouplir la notion de « remise à neuf » du dispositif afin de permettre de réemployer des aménagements et des équipements du second œuvre en parfait état (économie circulaire et durable permettant de souscrire aux green bonds).
En attendant, tout le monde est soumis aux décisions de la BCE dont on dit qu’elle devrait bientôt figer les taux directeurs, puisqu’on observerait en ce moment un ralentissement de l’inflation.
On espère tous…
Comment les bureaux vont finalement profiter des investissements dans le commerce ?
Face aux fluctuations du marché de l’immobilier d’entreprise, BNP Paribas Real Estate Investment Management a choisi la diversification. Sa SCPI Accimmo Pierre, qui est un ISR (Investissement Socialement Responsable), se porte acquéreur de retail parks comme celui de L’Île Roche à Sallanches, ou de centres de santé, qui sont des actifs plus résilients.
En quoi est-ce une bonne nouvelle pour les actifs bureaux ?
Cette diversification permet de maintenir un haut niveau d’investissement dans la SCPI qui profite indirectement au parc de bureaux qui la compose en partie.
Il peut donc s’agir d’une stratégie de résilience ou d’une stratégie offensive sur des actifs en perte de valeur.
Le cas Italie 2 est un cas d’étude intéressant. Il va lui aussi profiter à l’immobilier de bureaux à moyens termes.
🔎 Ingka Centres (une foncière d’Ikéa) a racheté Italie 2 à -20% de sa valeur. 65 000 m² avec des bureaux, qui vont être entièrement rénovés. Cette nouvelle offre de 18 000m² de bureaux s’inscrira parfaitement dans ce que les architectes cherchent à réaliser aujourd’hui : des “bureaux-agoras”, avec des espaces communs et des usages mixtes.
Ici se dessine un projet majeur qui mise clairement sur la demande de bureaux future adossée à une offre d’espaces et de flux piétons innovants.
Perspectives : reconversion, développement du modèle des bâtiments à usage mixte et rénovation
La planète entière s’accorde pour dire que nous traversons une époque faite d’incertitudes et dont il est difficile de prédire l’issue. Même McKinsey montre avec son étude sur le comportement des citadins à l’aune du travail hybride, que les espaces laissés inoccupés dans les bâtiments à usage unique de bureaux sont si nombreux qu’il faut envisager des mesures inédites comme leur reconversion.
Ce serait d’ailleurs une des solutions envisagées pour régler (partiellement) la crise du logement en France.

Reconversion des bureaux en logements
L’Institut Paris Région a étudié cette possibilité depuis que l’offre de bureaux et la vacance sont de plus en plus importantes en petite et grande couronnes parisiennes. En effet, la vacance des bureaux franciliens est passée de 2.6 millions de m² en 2019 à 4.4 millions de m² à mi-2022. Et la capitale subit une crise du logement depuis de nombreuses années.
3 phénomènes convergent à Paris :
- L’obsolescence des bureaux
- L’application du Décret Tertiaire
- Le travail hybride et le flex-office
Si des freins techniques ne permettent pas de convertir l’ensemble des bâtiments vides ou à rénover en logements, ce modèle a prodigué 53% des nouveaux logements en île-de-France entre 2013 et 2021.
➖Le point négatif : moins rentable que l’immobilier d’entreprise, l’immobilier résidentiel représente aussi une perte de surface commercialisable pour les aménageurs.
Construction d’immeubles en centre-ville à usage mixte
À lire les projections à 2030 de l’étude McKinsey, il est certain que les phénomènes décrits vont s’intensifier : migration des hypercentres vers les banlieues, besoin et donc offre de commerces en baisse, vacance locative résidentielle et professionnelle.
La seule façon d’y remédier et d’offrir des bâtiments à mixité verticale : habitation, travail (nomade) et services.
Le cas de Zoku et du Stream building
Zoku est une entreprise néerlandaise qui a récemment ouvert 4 structures “Stay & Work” dans Paris. Son activité est l’hôtellerie mais elle innove en proposant tout le nécessaire pour des séjours longue durée adressés aux travailleurs nomades.
Ainsi on retrouve des espaces de coworking, des salles de réunion, des appart’hôtels, de la restauration et même un rooftop qui défraye déjà la chronique parisienne.
L’immeuble Stream Building qui héberge Zoku a été pensé par Philippe Chiambaretta, un architecte qui réfléchit depuis 20 ans à un nouveau type de bâtiment de bureaux dans lequel l’usager trouve tout sur place, dans le respect des normes environnementales.
Les bâtiments multifonctionnels de Nacarat
Ce promoteur s’est fait remarquer avec son projet d’immeuble le K, premier bâtiment multifonctionnel de l’hypercentre de Lyon. On y trouve des logements, des bureaux, des commerces et des activités. Depuis il dépose son empreinte 😉 dans toute la France.
➡️ Ce nouveau bâtiment à la croisée des mondes n’est pas qu’une tendance, mais bel et bien une réalité pour répondre aux enjeux de la métropole de 2023. Il est objectivement question de sa survie.
Démolition-reconstruction et rénovation
Le réemploi des sites, lorsqu’il est de mise, permet d’exécuter des transformations absolument phénoménales. Il permet aussi d’éviter la démolition, qui reste la solution adaptée lorsque le coût du désamiantage est prohibitif.
C’est toute l’ambition du collectif créé dans le cadre de la transition du quartier d’affaires de La Défense.
La décarbonation des tours de La Défense
L’analyse des forces et faiblesses des tours est sans concession : elles sont par nature énergivores et actuellement configurées pour des mono-propriétaires qui ne mélangent pas les utilisateurs. Elles ne sont pas adaptées aux besoins du travailleur hybride qui veut résolument des espaces de travail sociabilisés et high-tech, avec des espaces flexibles et divisibles à volonté.
D’un autre côté, elles peuvent facilement devenir support de production d’énergie, elles offrent un énorme potentiel d’optimisation énergétique et, cerise sur le gâteau, sont déjà construites donc remplissent l’objectif ZAN (zéro artificialisation des sols).
Ce chantier devra permettre au quartier de La Défense de devenir le plus grand centre d’affaires européen post-carbone. 😯
Fin 2023, une nouvelle tendance d’investissement se profile
Intimement liée à la volonté politique du moment qui est de générer de l’indépendance à l’égard des pays ennemis, la réindustrialisation est sur le devant de la scène.
L’ORIE ouvre un groupe de travail pour savoir si oui ou non, cet actif tend à se développer et s’il a un avenir, considérant que, à moins de réhabiliter les anciennes friches industrielles, la bétonisation de telles surfaces est en contradiction avec les enjeux environnementaux.
Le monde de l’investissement est un monde d’opportunisme et d’opportunités. Il se pourrait que celle-ci ait du succès malgré les limites déjà tracées du modèle immobilier, et nuise à l’investissement plus traditionnel dans l’immeuble de bureaux, sur lequel pèse actuellement de lourdes obligations environnementales.