Partons du commencement : un commerçant ou un artisan a souvent recours à location d’un local pour exercer son activité commerciale. Cela mène à la conclusion d’un bail de location. Ce local, mis à disposition par le propriétaire pour un usage commercial, sert à l’exploitation d’un fonds de commerce.
Bien que la rédaction des clauses résultant du bail reste libre, de cette collaboration découlent des règles d’ordre public, c’est-à-dire imposées par la loi. Découvrons dans cet article quelles sont les obligations du propriétaire d’un local commercial en matière de mise en état du local.
👉 Si vous êtes locataire, vous y trouverez les outils nécessaires pour savoir quels travaux vous incombent et quels sont ceux qui devront être réalisés par votre propriétaire.
👉 Si vous êtes vous-mêmes propriétaire d’un local que vous louez, vous y trouverez des exemples qui vous permettront de connaître vos obligations, afin d’éviter tout litige avec votre locataire.
Travaux : l’obligation du bailleur de mettre à disposition du preneur un local en bon état d’usage
Le propriétaire d’un local commercial doit mettre à la disposition de son locataire un local en bon état de réparations afin de lui permettre d’exercer l’activité prévue au contrat de bail. Autrement dit, le local doit être opérationnel avant toute mise en location et apte à accueillir l’activité de l’entreprise locataire telle qu’indiquée dans le contrat. Mais ce n’est pas tout 👀 ! Le bailleur est tenu aussi de réaliser les travaux nécessaires au maintien de ce bon état pendant toute la durée du bail.
Alors que la répartition des travaux entre le bailleur et le locataire est souvent source de nombreux conflits, faisons le point sur les travaux qui incombent au propriétaire et ceux qui relèvent du preneur.
« Grosses réparations » ou « réparations locatives » : qui s’en charge ?
Que vous soyez bailleur ou preneur, ces deux notions de grosses réparations et de réparations locatives ne vous ont certainement pas échappé. Mais savez-vous vraiment ce que cela implique ?
Ce n’est que depuis l’entrée en vigueur du décret du 3 novembre 2014 (loi Pinel), qui s’applique aux contrats conclus depuis le 5 novembre 2014, qu’est apparue dans le domaine des baux commerciaux cette notion de « grosses réparations ».
Que signifie concrètement cette notion de grosses réparations ? Il n’y a pas réellement de définition officielle ou juridique, mais il existe une liste à l’article 606 du Code civil, qui indique que les grosses réparations sont « celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier ». Vous l’aurez peut-être remarqué, la liste donnée par cet article est très limitée et n’illustre en rien la réalité des litiges d’aujourd’hui. On vous l’accorde ! Bien heureusement, la jurisprudence c’est-à-dire les décisions rendues par les juges vont nous donner plus de précisions.
Si on devait résumer en une phrase comment la justice aujourd’hui définit cette notion, on peut dire que les grosses réparations sont celles qui touchent à la structure de l’immeuble et sa solidité générale.
Prenons ces deux exemples :
Exemple 1 : monsieur GOUTTADE, preneur, a constaté des infiltrations d’eau par la toiture, qui nécessitent sa réhabilitation totale. S’agissant d’une grosse réparation, le bailleur, monsieur REPARD, doit prendre à sa charge les travaux.
Exemple 2 : monsieur ROUGEOT ne trouve plus à son goût la couleur du local dans lequel il exerce. Il demande à monsieur PAMOI de le repeindre totalement en rouge ; monsieur PAMOI refuse à bon droit de réaliser ces travaux d’ordre purement esthétiques, qui, de plus, ne compromettent en rien la solidité du local.
Voici d’autres exemples concrets de grosses réparations tirés de quelques décisions de justice : la réfection totale de la toiture, la réfection de zingueries, la réfection des souches de cheminées, la réfection d’un plafond qui s’est effondré, les travaux nécessaires pour remédier au décollement d’un mur de l’immeuble générateur d’humidité dans les lieux loués, le remplacement d’un ascenseur pour vétusté, la réfection totale d’un système de climatisation.
Maintenant que vous êtes des experts des grosses réparations, parlons des réparations locatives. Les réparations locatives (ou de menu entretien), qui relèvent donc du locataire, sont également définies dans une liste très limitée, à l’article 1754 du Code civil. Vous allez très vite constater en lisant cet article que cette liste est totalement obsolète ! Vous pouvez même vous amuser à deviner le sens de certains mots qui finalement datent de la création du Code civil, c’est-à-dire 1804 !
Vous vous demandez alors comment savoir si une réparation relève ou non du locataire ? Rassurez-vous ! Tout comme les tribunaux, vous pouvez vous référer à la liste des réparations locatives du décret du 26 août 1987 qui s’applique en principe aux baux à usage d’habitation et à usage mixte d’habitation principale et professionnel pour savoir si une réparation revêt un caractère locatif ou non.
À titre d’exemple, sont considérées comme des réparations locatives : l’entretien d’un jardin, l’entretien des portes et fenêtres notamment le graissage des gonds, les charnières, poignées, le vitrage, les serrures et verrous, le revêtement de sol, les menuiseries, les menus raccords de peintures et tapisseries, l’entretien des installations de plomberie, l’entretien des équipements et des installations électriques.
Les réparations résultant de la vétusté

Que signifie concrètement la notion de vétusté en matière de bail commercial ?
La vétusté désigne ce qui a été abîmé par le temps. Souvent, cette détérioration nécessite des réparations et cause une perte de valeur aux biens en question. Dans notre cas, il s’agit donc de l’état de vétusté du local commercial loué au preneur. Vous vous demandez certainement à qui revient la charge des travaux en cas de vétusté ?
Rappelez-vous du principe de liberté contractuelle : là encore, les parties peuvent se mettre d’accord pour imputer les travaux résultant de la vétusté au locataire ou au propriétaire. Mais si aucune précision n’est apportée par le contrat de bail, alors le bailleur ne peut mettre à la charge du locataire les travaux dus à la vétusté.
Par exemple, un bailleur avait été condamné à procéder aux réparations d’une tour de refroidissement de l’installation de climatisation affectée par la vétusté, car cette installation était indispensable à l’exercice de l’activité prévue au bail (cass. 3e Civ. 5-10-1999 n° 1470 D). Dans cette affaire les juges ont pris en compte l’état du bien loué au moment de l’entrée dans les lieux et la durée de la location.
Attention tout de même, car le principe de liberté contractuelle connaît encore une fois des limites : depuis la fameuse loi Pinel, le bailleur doit dans tous les cas prendre en charge les dépenses liées aux réparations occasionnées par la vétusté s’il s’agit de grosses réparations.
Les réparations résultant d’un cas de force majeure

On parle souvent dans le jargon juridique de cette fameuse notion de cas de force majeure, qui est définie par les juristes comme étant un événement imprévisible, irrésistible et extérieur. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? 🧐 Cela signifie que personne n’est capable de prédire l’avenir et encore moins d’éviter un événement qui échappe à notre contrôle… à moins d’avoir des super pouvoirs !
Prenons l’exemple d’une toiture qui s’est effondrée lors d’une tempête : ici, ni le locataire ni le bailleur ne pouvaient prévoir un tel événement. Alors, qui est chargé des travaux ?
L’article 1755 du Code civil indique qu’ « aucune des réparations réputées locatives n’est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure ». Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? On comprend que c’est le bailleur qui est chargé de réaliser les travaux puisque nous sommes face à un cas de force majeure. Mais rappelez-vous, nous avons évoqué à plusieurs reprises plus haut le fameux principe de liberté contractuelle. Car oui, il a également vocation à s’appliquer dans notre exemple. Rien n’empêche les parties de se mettre d’accord sur la charge des travaux en cas de force majeure, et rien n’empêche par conséquent que cette charge incombe au locataire ! Mais…car il y a un mais ! Il ne faut pas que les dégâts occasionnés dans un cas de force majeure relèvent des grosses réparations (rappelez-vous de la loi Pinel…).
Ainsi, dans l’exemple cité plus haut, si les dégâts nécessitent la réfection totale de la toiture qui s’est effondrée lors d’une tempête, alors, c’est une grosse réparation qui devra être prise en charge par le bailleur. En revanche, si un arbre est tombé et qu’il a cassé une fenêtre, c’est une réparation locative qui devra être prise en charge par le locataire.
La garantie des vices cachés d’un bail commercial
Tout d’abord, qu’est-ce que le vice caché dans le langage juridique ? 🤔
On pense souvent que c’est quelque chose qui nous a été caché volontairement. Or, la définition juridique de ce principe est plus précise, par vice caché on entend un défaut qui n’est pas visible, que l’on ne peut voir à l’œil nu, ou constater en tant que profane et non expert. De plus, il doit empêcher d’utiliser ou d’exploiter cette chose ou ce bien.
Revenons donc au vice caché dans un bail commercial. Il est encadré par l’article 1721 du Code civil, qui précise que le bailleur doit garantir au preneur tous les vices ou défauts de la chose louée et qui empêche donc l’usage auquel elle est destinée. Cela signifie que le preneur doit être gêné dans l’usage des lieux et que ces défauts cachés lui causent une réelle perte.
Exemple : la présence d’amiante est un vice caché si sa présence empêche l’utilisation du local; de même, un défaut de construction peut être considéré comme tel.
Question : qu’en est-il lorsque le bailleur ignorait au moment de la signature l’existence du défaut ? Réponse : il reste tout de même responsable et il doit indemniser son locataire 💶. Mais rappelez-vous, il faut que le défaut ait rendu la chose impropre à l’usage auquel le preneur le destinait, c’est-à-dire l’empêcher d’exercer, de sorte à ce que le preneur n’aurait pas signé le bail s’il avait eu connaissance de ce défaut.
Attention : il existe toutefois une exception ! Si en principe le bailleur est responsable en cas de vices cachés, il peut se protéger en insérant dans le contrat une clause dite “clause exonératoire des vices cachés” pour empêcher son locataire de l’attaquer en justice en cas de défaut caché. La façon de rédiger le contrat aura donc toute son importance pour exclure la prise en charge des travaux par le bailleur en cas de vices cachés, grâce à cette clause exonératoire. Toutefois, cette clause ne sera applicable que si le bailleur est de bonne foi, c’est-à-dire qu’il ignorait totalement l’existence de ce défaut.
Cas n°1 sans clause : Après avoir pris possession des lieux, le locataire repère une très grosse infiltration au niveau de la toiture qui compromet sérieusement l’étanchéité de son local commercial. Il s’agit d’un défaut qu’il ne pouvait pas détecter à l’œil nu lors de la visite du local. Dans la mesure où il s’agit d’un défaut qui n’était pas détectable par une personne non experte et qui compromet fortement l’exploitation de son local, l’infiltration est un vice caché. Le locataire prévient son bailleur de l’infiltration pour qu’il prenne en charge les travaux. Le bailleur ne veut rien entendre car il indique à son locataire qu’il n’avait lui-même pas connaissance de ce défaut. Le propriétaire est dans son tort, car peu importe le fait qu’il n’avait pas connaissance du vice. En effet, s’il n’existe pas de clause exonératoire de vices cachés dans le contrat, c’est au propriétaire de prendre en charge les travaux même s’il n’avait pas connaissance du vice, c’est-à-dire même s’il était de bonne foi.
Cas n°2 avec clause : Après avoir pris possession des lieux, le locataire repère une charpente gravement endommagée qui compromet la solidité du local. Dans son bail, le propriétaire a inclus une clause exonératoire de vices cachés. La procédure démontre que le propriétaire n’avait pas connaissance du problème d’infiltration. C’est donc au locataire qu’il revient de payer les travaux de réfection. Si la procédure avait prouvé, au contraire, que le propriétaire avait connaissance de l’infiltration, le juge aurait conclu à la responsabilité du propriétaire malgré l’existence de la clause et lui aurait imputé les travaux.
Conclusion : en l’absence de toute clause exonératoire de vices cachés insérée dans le contrat de location, le propriétaire devra prendre en charge les travaux liés aux vices cachés qui empêchent le locataire d’exploiter correctement son local, et ce même si le bailleur n’avait pas connaissance des vices au départ.
Les travaux ordonnés par l’administration

S’il est vrai que les contentieux autour des travaux de mise aux normes sont plus rares que les travaux de mise en état, ils sont néanmoins nécessaires pour que le local soit en règle aux yeux de l’administration. Ce qu’il faut savoir est que la répartition de ce type de travaux peut faire l’objet d’une négociation entre propriétaire et locataire et être décidée d’un commun accord lors de la rédaction du contrat de bail. Elle fait pourtant souvent l’objet d’oublis dans les contrats !
Or, les sanctions peuvent être très lourdes en cas de négligence (amende, fermeture de l’établissement en cas de récidive), plus particulièrement pour la mise aux normes des Établissements Recevant du Public (ERP).Ces travaux concernent généralement la sécurité (système d’alarme à incendie, système électrique), l’hygiène (aération, canalisation etc.), ou encore l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite.
À titre d’exemple, dans une décision du 20.11.1952, le juge a estimé que lorsque les travaux se rapportent à la sécurité, c’est au propriétaire d’en assumer les frais, y compris lorsqu’ils font suite à un incendie. Dans une autre décision, le juge au contraire, a décidé qu’il revient au preneur de réaliser les travaux car il a choisi d’exercer une activité différente à celle qui est prévue au bail (il a exploité une crêperie alors que le bail prévoyait un bar-café). Donc si vous êtes locataire, attention à l’usage que vous faites du local après signature !
Retenez deux choses : si l’administration ordonne des travaux de mise aux normes et que la destination des lieux est restée la même, c’est au bailleur d’effectuer les travaux, même lorsque le bail ne prévoit rien à ce sujet. Sachez toutefois que, si vous êtes locataire, le bailleur pourra refuser de les réaliser s’il démontre que vous avez été négligent, c’est-à-dire qu’il n’a pas été informé pour procéder aux réparations nécessaires à la préservation de son local.
Si en revanche vous êtes bailleur et que vous devez réaliser les travaux, mais que vous avez la fausse bonne idée d’en profiter pour titiller votre locataire 😏… si les travaux durent plus de 21 jours, le prix du loyer devra être diminué en fonction du temps et de la partie du local faisant l’objet des travaux.
Ce que vous devez retenir des obligations d'un propriétaire de local commercial en matière de travaux
Nous avons vu dans cet article quelles pouvaient être les obligations du propriétaire de local commercial en matière de travaux.
👉 Le principe à retenir est que le propriétaire d’un local commercial doit mettre à la disposition de son locataire un local dans l’état nécessaire à l’activité prévue au contrat de bail, et qu’il est tenu de réaliser les travaux nécessaires au maintien de ce bon état pendant toute la durée du bail. Si la loi encadre les rapports entre bailleur et preneur, les parties peuvent tout de même prévoir la répartition des charges liées à ces travaux au sein du contrat de bail. Autrement dit, ils peuvent effectuer une sorte d’aménagement conventionnel pour décider de la répartition.
👉Un point de vigilance toutefois : la rédaction des clauses, qui doivent être très précises sous peine d’être requalifiées par le juge. Autrement dit, le juge pourrait en quelque sorte les interpréter à sa façon et en tirer les conséquences qui lui semblent s’imposer pour le propriétaire et le locataire .
Sachez également que les obligations d’un propriétaire de local commercial envers le preneur sont bien plus nombreuses et ne se limitent pas uniquement aux travaux. Outre les obligations relatives aux travaux, nous aborderons lors d’un prochain article : les obligations d’information, l’obligation de délivrance, l’obligation de garantie, l’obligation de sécurité du bien loué, les obligations en cas de vente du local loué et bien d’autres… Restez connecté.e !
Lisez aussi : Quelle est la différence entre un local professionnel et un local commercial ?