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Tous les enjeux de la RE 2020 démystifiés

Par Joane Eftekhari
Publié le 6 mars 2023
Lecture de 2 min
re2020
Table des matières

Depuis le 1 juillet 2022, le secteur de la construction est tenu d’appliquer la réglementation environnementale 2020 dans le neuf, et dans la rénovation. Ce qui était déjà instruit pour les particuliers souhaitant construire leur maison individuelle, s’est étendu aux immeubles de bureaux et aux bâtiments scolaires, pour se généraliser aux bâtiments tertiaires spécifiques (hôtels, commerces…). Alors que la précédente réglementation RT 2012 porte sur l’efficacité énergétique et le type d’énergie consommée, la RE 2020 va encore plus loin et fait évoluer le bâtiment consommateur vers un bâtiment passif et producteur d’énergie.

La RE 2020 prend en compte les émissions de gaz à effet de serre sur toute la durée de vie du bâtiment. Voici les 3 axes principaux de cette politique : réduire, recycler, réutiliser.

Donc, 8 mois après l’application de la RE 2020 dans les bâtiments tertiaires et les bâtiments scolaires, est-ce que tout fonctionne comme prévu ?

RE 2020 : R comme réduction des émissions

schema principales évolutions RE2020

Source : écologie.gouv

Notons que l’enjeu numéro 1 de la RE 2020 est de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Qu’on nomme aussi émissions de CO2, et parfois émissions de carbone.

Ces notions peuvent induire les profanes en erreur alors voyons réellement ce que sont les gaz à effet de serre (GES), et ce qui est vraiment nocif.

Les GES, ce sont plusieurs gaz naturellement présents dans l’atmosphère qui retiennent les rayons du soleil et leur chaleur pour maintenir une température convenable sur la planète. 🌡️

À priori ils sont donc utiles sauf quand des productions supplémentaires émanant de l’activité humaine ou animale, participent à l’effet de serre qui retient plus de chaleur que prévu. C’est une des causes du réchauffement climatique et donc du changement climatique global.

🌍 Quels sont ces gaz ?

  • Le CO2 : le dioxyde de carbone est présent naturellement mais il est en sur disponibilité dans l’atmosphère à cause de la combustion des énergies fossiles, de l’industrialisation et de la déforestation.
  • H2O : la vapeur d’eau est un facteur aggravant du réchauffement climatique mais l’eau a un cycle d’élimination rapide grâce aux précipitations. L’activité humaine qui produit des nuages avec la fumée industrielle n’est pas si impactante (disent les scientifiques).
  • CH4 : le méthane produit par l’industrie agricole avec l’élevage des ruminants par exemple, mais aussi produit par les décharges. 20 à 25 fois plus nocif que le CO2.
  • N2O : Le protoxyde d’azote : l’épandage est la principale fautive de son augmentation.

D’autres gaz qui n’étaient pas présents naturellement dans l’atmosphère et qui ont fait leur apparition avec l’ère industrielle sont les gaz fluorés : réfrigération et climatisation. 🧊

Maintenant que c’est un peu plus clair, voyons comment réduire les GES dans le secteur de la construction, en sachant que le protocole de Kyoto de 1997 engageait les signataires à réduire les GES de ….5% sans date butoir.

Puis en 2007 le Grenelle de l’environnement « invitait » les participants à diviser les GES par 4 d’ici 2050.

Enfin les accords de Paris signés lors de la COP 21 créent un fonds vert et un agenda pour réduire la température de 1.5° dès 2020 (entendez donc réduire les GES).

Suite à cela des lois sont promulguées comme la loi ELAN, la loi Énergie Climat, la loi Climat et Résilience. ⚖️

La RE 2020 est donc une mise en application des décisions prises au fil du temps, et qui vient remplacer la RT 2012 (réglementation thermique).

Qu’est-ce qui change en France dans le bâtiment ?

La RE 2020 oblige à la performance énergétique du bâtiment. On trouve une classification par labels et par certifications:

  • E+C- : un bâtiment qui produit de l’énergie et qui est bas carbone (autrement dit qui ne produit pas de GES).
  • BREEAM (good, very good) : s’applique sur la partie énergie mais aussi sur l’ensemble de la construction en termes de durabilité, de recyclage et de réemploi de matériaux.

Un exemple de bâtiment BREEAM niveau good, et E+C- ? Les nouveaux bureaux de INEO SYSTRANS (ex-INEO ENGIE). Parce qu’il faut bien montrer l’exemple !

  • La norme BBC (bâtiment basse consommation) est un prérequis minimal actuellement dans la construction.
  • La norme HQE (haute qualité environnementale).
  • La certification LEED (leadership in energy and environmental design).

Le Plan Bâtiment Durable (PBD) est un groupe de travail qui regroupe un public de professionnels souhaitant aller encore plus loin dans la transition énergétique et environnementale dans le secteur du bâtiment. En discussion avec l’État et en cours de validation : un label RE 2020.

Enfin, l’alliance hqe gbc porte aussi des projets autour des techniques de construction et d’ingénierie.

Consommation énergétique, impact carbone et normes thermiques

La RE 2020 suit des objectifs :

➡️ De réduction de la consommation d’énergie : le recours à la production d’énergie décarbonée devient systématique. Pour produire le chauffage et l’eau chaude, et aussi quand c’est possible l’électricité, le photovoltaïque est plébiscité. C’est une solution facilement applicable pour répondre aux exigences de sobriété énergétique.

Avec la RT 2012, la Cep (consommation d’énergie primaire) ne doit pas excéder la Cepmax autorisée.

Elle se calcule comme suit :

Cep = Conso d’énergie primaire par an de (Chauffage + Climatisation + Eau Chaude sanitaire + Éclairage + Auxiliaires) – production photovoltaïque

Avec la RE 2020, on ne peut plus déduire la production photovoltaïque.

La RE 2020 crée un coefficient appelé Cep,nr qui ne prend en compte que la consommation d’énergies non renouvelables, calculée comme le Cep. On ne veut pas un coefficient élevé donc on va faire un mix énergétique avec le renouvelable (bois énergie, solaire).

💡À noter que 2022 marque la fin du 100% gaz (on pense notamment aux bâtiments scolaires qui pouvaient se chauffer par ce mode).

➡️ De réduction de l’impact carbone. Aujourd’hui on voit les promoteurs afficher leurs ambitions écologiques avec l’utilisation du béton bas carbone et des matériaux biosourcés. Une démarche qualité interne et auditée régulièrement permet d’établir un cahier des charges sur la gestion des déchets et la décarbonation du second œuvre. Ce sont les normes iso 9001 et iso 14001.

➡️ De normes thermiques au top : il faut préserver la chaleur en hiver, la fraîcheur en été, on pense particulièrement aux épisodes de canicule, pas uniquement estivale malheureusement, et aux gaz fluorés rejetés par la climatisation.La nouvelle  réglementation va donc  au-delà de l’exigence de la RT2012, en insistant sur la performance de l’isolation et ce, peu importe le mode de chauffage qui est  installé.

Les enjeux sont élevés dans le secteur de l’immobilier tertiaire puisque la construction est responsable de 43% des consommations d’énergie, et 23% des émissions de GES (chiffres du gouvernement).

La RT2012 établissait déjà un coefficient bbio pour connaître la performance énergétique d’un ouvrage.

Le coefficient, calculé comme ceci :

bbio = 2 x Besoin en Chauffage + 2 x Besoin en Refroidissement + 5 x Besoin en éclairage

Ne devait pas excéder le bbiomax prévu dans la RT 2012.

Pour la RE 2020, le coefficient doit équivaloir à une baisse de 30% de la consommation en énergie par rapport à la RT 2012 !! Et doit explicitement prendre en compte les besoins en refroidissement.(Projection des besoins en froid liés au réchauffement).

Forcément, les entreprises sont vouées à mettre en place des programmes d’amélioration continue mesurables, qui ont aussi besoin de l’efficacité des acteurs territoriaux. Cette réalité est globale et à l’échelle de la nation. C’est une stratégie nationale bas carbone (SNCB).

RE 2020 : R comme Recycler

tableau performances énergétiques

Source : écologie.gouv

Comme nous le disions, la RE 2020 prend en compte toute la durée de vie du bâtiment. La seule haute performance énergétique ne suffit pas pour remplir toutes les exigences environnementales.

D’autres critères qui s’inscrivent dans une démarche globale nommée acv pour analyse du cycle de vie, entrent en jeu. (Norme iso 14040).

L’excellent article de batirama nous éclaire en nous rappelant que l’efficience énergétique requise par la réglementation thermique, apparue en 1974, n’avait pour autre but à l’époque que de réaliser des économies, énergétiques et financières, après le choc pétrolier de 73 et l’inflation brutale du coût de l’énergie.

En 2023, on se retrouve d’ailleurs dans la même situation avec, en plus, la raréfaction des énergies fossiles (pétrole) ou encore leur extraction de plus en plus nocives et controversées (gaz de schiste).

On prendra en compte des indicateurs tels que l’artificialisation des sols, l’acidification des sols, la toxicité (y compris pour les humains : la qualité de l’air par exemple)… 🔎

À raison, et étant donné que les bâtiments neufs vont dorénavant produire de l’énergie, l’impact environnemental sera calculé au regard de l’utilisation des matériaux et de leur empreinte carbone depuis l’amont (acheminement) jusqu’à l’aval (réemploi).

Ce sont des bureaux d’étude qui mènent ce type de calculs, dès la conception de l’ouvrage.

Pour se donner une idée de l’impact environnemental des matériaux, les danois ont digitalisé la pyramide des matériaux de la construction (pdmc) qui, avec sa calculette en ligne, permet d’évaluer l’impact en kg de CO2 du matériau utilisé.

pyramide des matériaux de construction

source : materialepyramiden.dk

Verdissement et vertitude

Le gros œuvre et le second œuvre sont concernés par le recyclage et l’utilisation de matériaux biosourcés.

Issus de la biomasse, on dit qu’ils sont géosourcés car on peut tracer leur provenance, et il faut qu’elle soit de préférence locale.

On leur reconnaît des vertus en isolation thermique et en confort hygrométrique (humidité).

Ainsi, le chanvre, la terre, la paille, la ouate…sont issus de l’économie circulaire et ont une très faible empreinte environnementale.

Leur durabilité répond parfaitement aux enjeux de la RE 2020.

RE 2020 : R comme réemploi

RE2020 et réemploi

C’est un sujet qui requiert une forte expertise de la part des bureaux d’étude car ce sont eux qui vont déterminer quels matériaux sont présents et comment ils peuvent être réutilisés.

Cette opération se fait principalement lors d’une rénovation ou d’une démolition. Le maître d’ouvrage devra probablement procéder à un désamiantage avant de sortir les différents composants du bâtiment.

La classification des usages et du réemploi n’est pas encore très explicite à ce sujet. Depuis juillet 2022, tout le monde travaille un peu en mode « test and learn » pour acquérir une expérience suffisante.

RE 2020 : une réussite ?

Les bâtiments résidentiels et tertiaires sont donc maintenant soumis à ces strictes règles. Et la question se pose toujours quant à savoir si l’application de cette réglementation fonctionne réellement dans le secteur tertiaire.

Il faut prendre en compte les coûts supplémentaires liés à la construction de ces nouveaux bâtiments conformes aux normes RE 2020 ainsi que les difficultés rencontrées par certains acteurs du marché immobilier tertiaire pour s’adapter aux nouvelles règles.

Les artisans, souvent sous-traitants des chantiers des promoteurs, ont à peine le temps d’envoyer des factures, alors mettre en place des cahiers des charges avec des normes pas toujours compréhensibles…

Malgré cela, il est important de reconnaître les avantages potentiels que peut apporter la RE 2020 dans le long terme pour notre environnement et notre économie.

Cela nécessitera un engagement continu et une collaboration entre tous les acteurs impliqués afin d’assurer une mise en œuvre réussie et durable.

NB :Les propriétaires des bâtiments tertiaires qui ne sont ni rénovés, ni neufs, doivent tout de même déclarer les consommations de leur immeuble sur le serveur OPERAT pour se conformer progressivement aux nouvelles normes réglementaires.

Joane Eftekhari
Inbound manager – Ex juriste
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